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Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/248

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L’ENTHOUSIASME

trouvons un moyen de nous voir, je suis sûre que tu trouveras.

— Oui, je trouverai, mais les gens le sauront comme toujours, et ce sera de nouveaux scandales, et tu t’enfermeras encore, et il faudra encore que je vienne te chercher. Pourquoi tous ces retards ? allons-nous-en, Geneviève…

Elle ne répondit pas.

— Il nous est impossible de rester à Saint-Jore ; ceux qui s’aiment sont des parias que l’on repousse, et les gens sont excédés de notre amour. On nous déteste, on nous guette, on nous persécutera jusqu’à la fin… il faut que l’un des deux s’en aille, ou tous les deux… Ah ! mon aimée, tu n’es pas lasse de tous ces mensonges et de cet échafaudage de combinaisons, de ruses, de lâchetés et de comédies. Toi qui as peur d’être suivie de ton ombre, tu n’as pas peur de cette série de scandales qui nous menacent ? On a jeté des pierres dans notre chambre, on nous en jettera en pleine rue, quelque jour. Je m’en moque parce que je suis un homme et qu’ils ne peuvent rien sur moi, mais toi, ma Geneviève ?

Elle ne répondit pas encore. Était-ce pour éviter l’invocation de mes yeux qu’elle détournait les siens ? Mes paroles la touchaient-elles ? Cependant je continuais, dans l’espoir que le son de ma voix la fléchirait.

— Pense à notre pauvre amour, voilà six ans que nous nous aimons, et qu’avons-nous eu en dehors de quelques rendez-vous hâtifs ? Y a-t-il