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Page:Leblanc - La Pitié, 1912.djvu/132

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LA PITIÉ

Germaine, faiblement.

Tu as raison. Je suis méchante, pas toujours comme tu le dis, mais il y a des moments où il faut que je le sois… Il me semble que l’on agit contre moi, et je ne pense qu’à me venger. Je combine, je calcule, ma tête éclate… J’essaye de résister… je ne peux pas. (S’étreignant la tête et se tordant les bras). Il y a quelque chose qui le veut… Tantôt, crois-tu que j’aie parlé volontairement contre Marie-Anne ? Et après, les menaces que je t’ai faites… est-ce que je savais ce que je disais ?… J’étais comme une folle… Si tu m’avais vue, dehors ! Je me suis vue, moi, dans une glace… Ah ! ce que je souffrais ! Le trajet, la gare, les rues… la maison de Philippe… comme c’est affreux dans mon souvenir ! Et puis l’escalier ! Je m’accrochais à la rampe pour ne pas monter… J’ai sonné… Philippe était sorti, il allait rentrer. Alors seulement j’ai repris conscience, et je me suis enfuie… Mais s’il avait été là… Ah ! Jacques, toi que j’aime tant ! (Se jetant sur lui passionnément). Tais-toi, oui, je t’aime, je t’aime, je t’ai toujours aimé… Tu es le seul homme que j’aurai aimé… le seul que je puisse aimer… Je t’aime… mais, c’est si étrange, si différent de tout, c’est un besoin de t’abaisser. Ah ! si tu m’avais aimée, toi, mais tu ne m’aimes plus, tu ne m’aimes plus !

Jacques, se dégageant.

À quoi bon tant de paroles, Germaine ? Il faut nous quitter.