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Page:Leblanc - Le Cercle rouge, paru dans Le Journal, 1916-1917.djvu/64

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dans la chambre. Le docteur Lamar a des soupçons sur elle… Et moi, moi, qui donnerais ma vie pour la défendre, je ne puis rien ! Je reste là inutile, impuissante, désarmée…

Cependant, Florence et son compagnon marchaient côte à côte, en échangeant quelques paroles banales, cachant les préoccupations qui absorbaient chacun d’eux.

Ils atteignirent bientôt le parc, où Lamar, le jour précédent, avait tant cherché l’insaisissable femme voilée. Ils s’enfoncèrent dans les allées désertes et enfin, derrière des massifs touffus, à un carrefour où aboutissaient plusieurs allées, Florence s’arrêta.

— Mon cher docteur, dit-elle tranquillement, en regardant Max Lamar en face, de ses beaux yeux qu’un effort d’énergie faisait calmes, c’est ici, autant que je puisse m’en souvenir, que j’ai croisé cette fameuse femme voilée.

Les soupçons de Lamar s’étaient accrus encore durant le trajet. Cependant, l’assurance de la jeune fille et plus encore peut-être sa grâce fière et charmante, qu’il admirait sans pouvoir s’en défendre, le firent une fois encore hésiter à la croire coupable.

Mais il se souvint de tous les indices qui l’accusaient et sa conviction le reprit, grandissante.

— De quelle direction venait-elle ? demanda t-il d’un ton froid.

— De cette direction… commença Florence en indiquant sa droite.

Mais elle s’arrêta, stupéfaite, les yeux fixés du côté qu’elle venait de désigner.

Max Lamar suivit son regard. Il sursauta et eut une exclamation étouffée.

Là-bas, debout au pied d’un gros arbre, se tenait la femme mystérieuse, la femme au voile noir et au manteau noir. Elle était immobile et semblait attendre.

Max Lamar, un moment interdit, se précipita dans sa direction.

La femme voilée l’aperçut et prit la fuite en courant.

Florence, d’abord clouée sur place par la surprise, en un éclair comprit quelle était celle dont le sublime dévouement avait imaginé d’attirer sur elle-même les soupçons qui menaçaient son enfant bien-aimée.

— Oh ! Mary, ma chère Mary, balbutia-t-elle, bouleversée par l’émotion.

Elle s’élança. Mary fuyait rapidement, et elle avait une avance considérable sur celui qui la poursuivait, mais le manteau qu’elle portait gênait ses mouvements, et Max Lamar se rapprochait d’elle.

La fugitive, dans une course folle, atteignit enfin l’extrémité du parc, qui donnait sur la campagne. Elle hésita une seconde sur sa direction, puis franchit la route et parcourut à toutes jambes un chemin que bordaient des taillis. Max Lamar approchait, gagnant à chaque pas du terrain. Mary, éperdue, haletante, se voyant près d’être atteinte, aperçut devant elle, attenant à un élégant cottage, un garage dont la porte était ouverte. Elle s’y jeta, referma le battant violemment et poussa les verrous intérieurs.

Max Lamar, qui arrivait au même moment, poussa une exclamation de dépit qui se changea en un cri de triomphe.

La fugitive, s’il ne pouvait s’emparer d’elle sur-le-champ, ne devait pas lui échapper bien longtemps. Elle s’était trop hâtée de refermer la porte, un large pan de son manteau noir y était resté pris et dépassait au dehors.


fin du troisième épisode