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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/164

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LECONTE DE LISLE

la misère, la jeunesse ou l’âge mûr, seront toujours impuissants à détruire, car elles nesont pas de la nature des choses périssables, et leur raison d’être est en elles-mêmes. Les joies réelles ne sont donc ni l’amour, ni l’amitié, ni l’ambition comme on les conçoit sur terre, car tout cela passe et tout cela s’oublie ; mais elles sont dans l’amour[1] de la beauté impérissable, dans l’ambition [1] des richesses inamovibles de l’intelligence, et dans l’étude sans terme du juste, du bien et du vrai absolus[1], abstraction faite des morales factices d’ici-bas. Les joies fausses sont dans la vie vulgaire, les joies réelles sont en Dieu. Les unes ne nous rendent heureux qu’une seconde durant, pour nous torturer pendant des années ; mais les autres, toujours calmes et inaltérables, se révèlent à nous quand nous nous sommes purifiés de celles-là, et nous mènent au vrai bonheur, qui est l’oubli des choses périssables et le désir de l’infini.


Dieu c’est le grand Tout.


J’ai cherché, dit-il ailleurs, ma plus grande somme de bonheur dans la contemplation interne et externe du beau infini de l’âme universelle, du monde, de Dieu dont nous sommes une des manifestations éternelles. Il ne faut pas douter, mon ami. Il faut laisser aux niais et aux lâches leurs stupides négations du cœur immortel et de l’intelligence divine de l’homme ; car c’est là de la misère morale, mille fois plus affreuse que la misère matérielle, puisque c’est une dégradation de Dieu en nous.


Dieu symbolise la trinité du suprême beau, du suprême bien, du suprême vrai, infinis et universellement épandus. Le contemplateur perçoit et

  1. a, b et c Souligné par L. de L.