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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/166

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LECONTE DE LISLE

Cesse ta morne plainte et songe, Humanité,
Que les temps sont prochains où de l’iniquité.
Dans ton cœur douloureux et dans l’univers sombre,
Les rayons de bonheur s’en vont dissiper l’ombre.
Pour des astres nouveaux les cieux s’élargissant,
Divins consolateurs du globe gémissant,
D’un lumineux amour vont éclairer sa face.
Et l’étroit horizon dans l’infini s’efface.
Ô roi prédestiné d’un monde harmonieux,
Marche ! les yeux tendus vers le but radieux !
Marche à travers la nuit et la rude tempête.
Et le soleil demain luira sur ta conquête.
Ô sainte créature aux désirs infinis
Que de trésors sacrés à tes pieds réunis,
Pour prix de tes douleurs et de ton saint courage,
Vont racheter d’un coup les longs siècles d’orage,
Le travail fraternel, sur le sol dévasté,
Alimente à jamais l’arbre de liberté.
La divine amitié, l’ambition féconde,
La justice et l’amour transfigurent le monde.
Et de la profondeur de l’éternel milieu,
Du pôle couronné de son cercle de feu,
Des monts, des océans, des vallons, de la plaine ;
De l’humanité sombre encore et d’ennuis pleins
Mais radieuse et belle en ce jour glorieux,
Des fertiles sillons, des calices joyeux,
De ma lèvre entr’ouverte et d’amour animée,
Caressant d’un baiser ma planète embaumée, —
Dieu ! Dieu que tu cherchais, pauvre esprit aveuglé.
Dieu jaillira de tout, et Dieu t’aura parlé.


Credo magnifique en la Félicité qui attend l’humanité. Félicité terrestre et infinie, spirituelle et matérielle, qui est Dieu même…

*

Telles étaient donc les « Méditations » du poète créole dans la solitude de sa vie insulaire. Elles s’élevaient d’autant plus haut qu’il souffrait pro-