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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/167

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fondément. « Les heures de défaillance » étaient « fréquentes », avec des larmes « plus amères et cuisantes que je ne saurais dire ». « Le calme ! oh ! qu’il est de courte durée ! Mais s’il m’abandonne souvent, il revient aussi ; et j’oublie qu’il doit bientôt disparaître ? Le calme ! Ce serait vraiment une grande folie que d’espérer son repos lumineux dans notre ombre et dans notre bruit. »

Cette existence eût été affreuse, annihilante — et l’isolement l’est en général pour ceux qui ne sont point poètes — si l’imagination ne venait rafraîchir la sensibilité desséchée par l’intensité même de son exaltation philosophique. L’imagination : le souvenir, le souvenir qui a joué un si grand rôle dans la vie de Leconte de Lisle et l’a sans cesse ranimée aux heures de fatigue et de désolation.

On touche ici à l’essence même de l’âme, de la vie, du génie de Leconte de Lisle ; on voit ce qui en constituait la force ; on sent de quelle façon, chez cet être d’une race aryenne neuve, « le souvenir » — qui n’est qu’un métamorphose de la contemplation introspective et rétrospective — diffère de « la contemplation » des ascètes hindous nihilistes. « Un instinct de justice », la « foi », la combativité, voilà par quoi cet occidental, descendant d’une famille bretonne, diffère des orientaux, et, en faisant la synthèse de la philosophie hindoue et de la spiritualité celtique, restera toujours fondamentalement un croyant, c’est à mieux dire un actif, — le contraire d’un « impassible ».

En lisant le fragment suivant, on se rendra bien compte que ce qui a trompé le public et fait qu’il