Aller au contenu

Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
164
LECONTE DE LISLE


*

Le Présent, lui, est dur, lourd, entravant. C’est l’exil loin de la vie active de la France où s’agitent les plus graves problèmes sociaux. Lent est le temps de misère morale, affreusement long « l’Enfer » ! Or, voici que, par l’intermédiaire d’un ami de Nantes, le phalanstérien Villeneuve, le journal phalanstérien la Démocratie pacifique lui propose de prendre part en ses colonnes à la propagande sociétaire de Fourier[1]. Il refuse « provisoirement » parce que ses convictions ne sont point parfaitement identiques à celles de la Rédaction : il « partage entièrement certains principes de l’École sociétaire » et n’est en dissidence avec elle qu’à l’endroit de conséquences arbitraires qu’elle déduit faussement, à son avis, de ces mêmes principes, mais il n’est pas « homme à écrire contre sa conscience en quoi que ce soit. Je sais, ajoute-t-il, que ces scrupules n’ont pas cours de notre temps, que cela prête à rire aux Macaires et au vulgaire ; mais le rire et le thème de la foule m’inquiètent peu. Tu comprendras, mon cher Adamolle, qu’un esprit droit et convaincu recule devant l’apostasie cachée comme devant l’apostasie publique et qu’on s’y prenne à deux fois avant d’être forcé de se mépriser soi-même. »

Il expose, dans une lettre de 1846[2], l’une des raisons pour lesquelles il n’est pas en communion parfaite avec l’École : « L’art, ayant sa raison d’être

  1. Lettre de janvier 1845.
  2. Publiée par le Journal en 1895.