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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/20

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LECONTE DE LISLE

rieures même à la publication en volume des Poèmes antiques (Marc Ducloux, 1852). Le libéralisme de Leconte de Lisle est tout autrement original et de source bien plus profonde que celui de Hugo ou de quelques autres romantiques. Ceux-ci ne parviennent que lentement à une complète indépendance d’idée, ne se dégagent que tardivement des préjugés sociaux. Leconte de Lisle dérive en ligne droite des plus nobles esprits de la fin du dernier siècle ; il subit directement l’influence des hommes de la Révolution ; exemple presque unique parmi les poètes de ce siècle, il fut, dès le jeune âge et pour toujours, imprégné du plus pur républicanisme.

Il fut élevé exclusivement d’après la méthode anarchiste des philosophes préconventionnels par son père, ancien médecin militaire établi à l’île Bourbon, qui était nourri de Rousseau et des Encyclopédistes[1]. Sa mère, au contraire, était pieuse. Le père d’ailleurs n’était pas indemne de tous préjugés et prétentions aristocratiques. Seule-

  1. Il fut expédié comme chirurgien au corps de Bavière en 1813 ; puis partit en 1816 pour la Réunion où il s’occupa à la fois de médecine et de culture. — Le grand-père de Leconte de Lisle, pharmacien, avait fait de bonnes études au collège d’Avranches et reçu des mains de l’évêque le prix « d’amplification française ». Il composa des vers qu’il ne faut peut-être point juger de ce quatrain commandé qui, à la fête de la Fédération, eut les honneurs d’une exposition publique dans deux grands écussons ornés de fleurs naturelles.

    Souviens-toi que le Dieu qui punit les parjures
    Lit au fond de ton âme, y voit tes sentiments ;
    Si, par hypocrisie ou par crainte, tu jures,
    Va loin de ces autels porter tes faux serments.

    Ce bon citoyen fut enfermé, puis libéré au neuf thermidor, ce qui lui inspii’a des vers alertes,

    (D’après Ch. Bellier-Dumaine, ::l’Hermine; mai 1899.)