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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/209

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Voici que de terribles calamités se sont abattues sur notre pays[1]. Voici l’hiver, voici la disette : que fera l’aumône pour répondre aux derniers soupirs des vieillards que tuent le froid et la faim, aux cris des enfants qui meurent de froid et de faim ? Rien ! rien ! Que le règne de la justice nous arrive et tout est sauvé !

Il y a, dans un coin de l’histoire, une leçon inexorable, touchant l’aumône et l’insuffisance de la commisération du riche[1].

À l’époque la plus sombre du moyen-âge, une noble dame avait voué sa vie et ses richesses au soulagement des pauvres. Ses plus belles années et sa fortune tout entière s’écoulèrent en aumônes. Elle avait tout donné ; elle n’avait rien guéri. Le désespoir la saisit. Elle convoqua tous ses pauvres dans une église et s’y brûla avec eux.

Cette histoire contient une vérité : c’est qu’à l’aide de l’aumône on ne sort de la misère que pour entrer dans la mort.

Oppression ! indigences !… Vous avez une ennemie plus forte que vous ; elle vient, et le bruit de ses pas frappe déjà nos oreilles. Le sol tremble sous sa marche ; l’air est plein de son souffle ; beaucoup l’annoncent du cœur et des lèvres.

Le jour où vous vous trouvez face à face, vous, la ruse, elle, la franchise ; vous le mensonge, elle, la vérité ; vous, la force brutale, elle, le droit ; ce jour-là vous aurez vécu, car cette ennemie qui vient, c’est la justice !


Ce débordant lyrisme a de quoi sans doute faire

  1. a et b Cette anecdote est exactement le sujet de son poème. Un acte de charité (Poèmes barbares, 1863) (remarquer la date).
    Donc en ces temps damnés une très noble Dame
    Vivait en son terroir, près la cité de Meaux… etc.