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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/222

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M. de Villefranche que, dans une crise de jalousie, le petit blanc a assassiné M. de Gaucourt, et, désespérant lui-même d’obtenir après son crime la main de Mlle Marcie, a préféré s’exécuter sur le cadavre de son rival. Vieil esclave qu’on admire pour sa fidélité, il reste auprès de Marcie vieillie et désenchantée, et ce n’est qu’au lit de mort qu’il lui avoue avoir tué les deux blancs parce qu’ils l’aimaient « trop tous les deux ». Ainsi, l’état de servitude, en rabaissant au-dessous du sentiment qu’ils ont d’eux-même des êtres d’un tempérament violent et fidèle, finit par fermenter en eux des rêves maladifs, une sorte de mysticité criminelle qu’aurait ignorée une sauvagerie indépendante.

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Pour se rendre assez compte de l’importance du rôle de Leconte de Lisle en 1848, il faut se rappeler que, malgré l’éloquence des rapports de Schœlcher et d’innombrables pétitions des départements, l’esclavage, aboli depuis 1835 aux colonies anglaises, subsiste dans celles de France. Même, inquiets de réformes partielles, les propriétaires envoient à Paris des avocats pour défendre activement l’ancien régime colonial. Sur ce 1848 éclate. Le 28 février, les délégués des Antilles et de la Réunion adhèrent à la République et promettent leur concours pour l’émancipation. Mais les avocats ne comprennent point que leur rôle est fini et vont, au sein de la commission, jusqu’à mettre en doute la compétence du gouvernement provisoire (12 mars). Les jour-