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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/221

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ferons de toi un homme libre dans quelque temps.

Ici le marquis prit, dans une des poches de sa robe de chambre, une belle blague de peau de pingouin, en tira avec le bout des doigts réunis du tabac à fumer, et l’offrit au noir, qui le reçut respectueusement.

— Tiens, mon garçon. Il faut que tu aies rêvé cette nuit dans ta case au lieu de faire ta tournée.

— Non, non, maître, dit Job avec un ton de certitude qui parut réveiller les craintes du marquis ; Job a de bons yeux et de bonnes oreilles ; il a vu et entendu… Mais l’homme était déjà sorti par la grille, et, quand il m’a entendu courir, il a détaché son cheval de grand manguier, là-bas, et il est parti au galop.

— Tête bleue ! s’écria le marquis, quel peut être le coquin qui se permet d’entrer chez moi pendant la nuit et de vouloir escalader la fenêtre de ma fille ! Écoute, mon garçon, ce soir, tu viendras veiller dans ma chambre, et tu auras soin de charger ma carabine à chasser le cabri. S’il reparaît, je le tue comme un chien enragé. C’est entendu. Donne-moi du feu. Mène la bande à la caféerie. Tu es un bon commandeur et un bon serviteur, Job. Ne parle pas de tout ceci à M. de Gaucourt, il serait capable de faire sentinelle et de pourfendre le premier venu à l’aveugle. Après tout, tu t’es peut-être trompé : Enfin, nous verrons…


C’était un petit blanc qui, épris de la jeupe aristocrate, Marcie, voulait parvenir jusqu’à elle et l’enlever, la sachant fiancée à son cousin M. de Gaucourt, récemment débarqué de France. Une nuit, Job conduit le fiancé de sa maîtresse devant la case du petit-blanc et, par derrière, le tue d’un coup de feu. Au bruit, le petit-blanc accourt et Job le fusille à bout portant ; puis il court raconter à