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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/242

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mais avant toute chose élaborer, modeler une conscience nationale délibérément républicaine.

Cela, il l’éprouva très nettement et par l’intelligence politique des temps, car l’un des grands hommes d’action de 1848 sentit au même moment exactement les mêmes choses : Blanqui distingua que l’action qui désormais s’affirmait immédiatement nécessaire était l’instruction de la masse.

D’ailleurs Leconte de Lisle ne vit pas moins nettement que la masse ne fut pas seule fautive en 1848. Certes, elle ne sut point servir les dirigeants, mais aussi les dirigeants ne surent point la « prendre » et la tenir. Ils manquaient eux-mêmes d’intelligence. Et ils n’avaient foi qu’en la seule « action » matérielle, dédaignaient la science souple et ample, ou du moins se restreignaient à de trop froides, trop limitées études d’économie politique. Pas de variété ni de largeur dans leur culture : de là un esprit tranchant ; « ce sont des haches », dira Leconte de Lisle. Les dirigeants ne doivent pas être uniquement des professionnels : ce sont les politiciens qui mènent à mal la République.

Leconte de Lisle ne hait pas la politique, mais les politiciens. Sans doute, il ne mesura peut-être pas assez exactement le niveau intellectuel des hommes politiques de son temps : il ne pouvait en effet savoir quel perspicace raisonneur, quel génie rêveur était Blanqui, celui-là même en qui il personnifia l’action brute, ainsi qu’il fut révélé depuis par Gustave Geffroy, dont la monographie est un des plus robustes livres du siècle. Il n’est que trop vrai, les chefs populaires de 1848 furent en général assez