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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/253

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pratique ; il était de nature porté vers l’idée, non au fait. Il a dit, en partant de l’île où s’épanouit son adolescence, dans quelques vers qu’il ne publia point :


Le monde où j’ai vécu n’a point quelques coudées,
        On ne le trouve en aucun lieu.
C’est l’empire infini des sereines idées
        Et, calme, on y rencontre Dieu[1].


Maurice Spronck a fait ressortir avec force que (plus tard) ce fut l’idéen du brahmanisme qui l’attira et qu’il y alla spontanément. S’il n’a pas agi davantage au sens physique du mot, c’est qu’il était éminemment métaphysicien. « Il considère, dit Paul Bourget, que les idées seules sont réelles et que les faits aussitôt évanouis qu’apparus ne valent pas qu’on essaye de construire un monument avec leur poussière. » Cela est exagéré et abstrait, par suite en un certain sens cela est faux, cela n’est pas plus la vérité que le squelette, qui est l’armature du corps, n’est le corps. En réalité, il voulait agir et il agit. Mais il se rendait compte que l’heure de l’action propre n’était pas venue. Il fallait exercer la masse à l’idée et par l’idée. Il la prépara : il agit. Il était de nature expansive, active, et il s’imposa l’abstinence d’action physique comme un jeune. Et c’est pour cela que ce qu’il avait en lui d’ardent, d’actif, de combatif, se

  1. Et sur la puissance invincible de l’idée, ces vers de 1848 :

    « À l’encontre du blâme et du rire envieux
    L’idée éclate en moi d’une explosion telle
    Qu’elle emporte, au delà d’un horizon trop vieux,
    L’esprit contemporain, dans sa fuite immortelle. »