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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/290

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trop longue suite de siècles. Si le spectacle de la moderne humanité aggrave l’âme de pessimisme, le spectacle et rintimité de la nature, en candeur et en richesse, redressent l’âme et l’embellissent de courage :


Ce sont des chœurs soudains, des chansons infinies,
Un long gazouillement d’appels joyeux mêlé ;
Où des plaintes d’amour à des rires unies ;
Et si douces, pourtant, flottent ces harmonies,
Que le repos de l’air n’en est jamais troublé.
Mais l’âme s’en pénètre ; elle se plonge, entière.
Dans l’heureuse beauté de ce monde charmant
Elle se sent oiseau, fleur, eau vive et lumière ;
Elle revêt ta robe, ô pureté première,
Et se repose en Dieu silencieusement.


La nature dont Leconte de Lisle combla son œuvre, soit qu’il évoque en son premier plan l’antique humanité, soit qu’il se tienne à des paysages ou à des tableaux sans âge précis, apparaît d’autant plus berceau du monde qu’il énumère autour de l’homme la présence des végétaux et qu’il peuple le monde de bêtes. Son culte de la Bête n’est autre que le culte même de la Nature, énergie première qui se conserve en nouveauté et en fécondité, le goût de l’homme primitif, fort, libre, indompté, sauvage. Son imagination revivait les premiers temps de la terre, évoquait l’homme en la vierge nature si vivement et si continuement qu’il fut hanté lumineusement, autant que de visions d’hommes aux épaisseurs ou aux espaces de nature, de visions d’animaux pullulant en liberté parmi savanes, forêts ou ravins. La Forêt vierge, l’Aboma, les Jungles, l’Oasis, le Jaguar, Clairs de lune, les Éléphants, la Chasse de l’Aigle comptent au nombre de ses poèmes primitivistes. Un tableau de bêtes,