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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/296

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de Leconte de Lisle est le plus noble et vivifiant poème qu’on pût mettre aux mains des jeunes femmes et des jeunes hommes de cette époque fatiguée.

Naguère il opposait dans Églogue harmonienne à la Muse grecque Pulchra la Muse chrétienne Casta ; mais entre Beauté et Chasteté la conciliation s’est faite pour le rêve unitaire d’un âge merveilleux et désirable. En particulier, rien ne saurait mieux attester que la conception de la Vierge hellénique combien la grâce de Leconte de Lisle est peu « orientale » — ainsi que le formule la personnification de Vénus de Milo qui n’est ni l’Aphrodite, ni la Cythérée, ni l’Astarté orientale qui « sur un lit de lotus se meurt de volupté » : la vierge grecque, élancée et prompte, est pudique, farouche, fière de sa virginité :


Grande comme Artémis et comme elle farouche
Nul baiser n’a jamais brûlé sa belle bouche.

(Thestylis.)


Il faut lui apprendre que la beauté — dont elle a le sens mais confondu avec celui de sa propre force physique — est destinée à l’amour (Klitie) ; « la liberté sacrée seule guide » son cœur ; indépendante et hardie à la course, elle veut échapper à la servitude de l’amour. Dans l’amour elle redoute « l’efféminement », si mollement accepté par les amoureuses provocantes et lascives d’André Chénier :


Artémis me sourit. Docile à ses désirs
Je coulerai mes jours en de mâles plaisirs.
Et je n’enchaînerai point d’amours efféminées
La force et la fierté de mes jeunes années.

(Glaucé.)