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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/330

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toujours flétri le mercantilisme : on aperçoit ici que sa haine avait des fondements historiques, loin d’être simplement littéraire, comme il a toujours été estimé. Cette question de politique coloniale était passionnante pour le créole de l’Océan Indien ; et aucun historien n’a décrit avec plus de précision et de fermeté dans le discernement nos relations diplomatiques avec l’Angleterre aux colonies, à la suite du traité d’Aix-la-Chapelle.


L’Angleterre et la France, en paix en Europe, persistaient à combattre dans l’Inde. La Compagnie anglaise assiégea de ses plaintes le cabinet de Versailles. Elle se garda d’avouer que cette guerre avait été fomentée par ses agents seuls ; qu’elle avait voulu livrer le Dekkan à un obscur Mongol, meurtrier de son pupille, soudoyé pour ce crime, et la nanabie d’Arkate au fils de cet assassin ; qu’elle avait coutume d’égorger les prisonniers assez confiants pour ajouter foi à ses sauf-conduits ; que ses alliés eux-mêmes s’indignaient de ses atrocités et de son insatiable avarice ; mais elle accusa Dupleix de tout ce dont elle était coupable. Elle dénonça son ambition effrénée, sa haine aveugle contre une honnête compagnie pacifique et commerçante ; enfin, prouvant ainsi à quel point elle était convaincue de l’imbécillité du ministère français, elle lui signala le gouverneur de Pondichéry comme un traîtrequi ruinait à plaisir les affaires de sa propre nation dans l’Inde.

Il eût certes suffi à tout gouvernement doué du sens politique le plus rudimentaire, que de telles accusations fussent énoncées par une compagnie rivale, par un peuple ennemi et, qui plus est, par le seul peuple animé d’une inextinguible haine de race, pour féliciter un de ses agents de les avoir méritées, pour se hâter d’étendre