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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/379

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leurs pages d’un Flaubert, sont la preuve qu’il y fallut une longue patience. Il n’est pas exagéré de dire que cette histoire exigea de Leconte de Lisle au moins autant de travail que l’un de ses plus merveilleux poèmes et que, par l’importance du fond comme de la forme, qui d’ailleurs pour Leconte de Lisle étaient une vraie binité, elle est une œuvre capitale. Il dut y penser longuement dans la plus grande partie de la période du Second Empire et en tout cas la majorité des poèmes que cependant il composa furent inspirés par des faits qu’il rapporta en quelques-unes des phrases de son Histoire.

Jamais sa verve ne fut nourrie d’une plus puissante indignation. L’âpreté en est corrosive, le style pénètre comme un acide, les mots sont gravés ainsi qu’à l’eau-forte. L’œuvre est réfléchie et sérieuse. Jamais on ne sent mieux qu’en la relisant la sottise d’une comparaison qui fut naïvement risquée avec son compatriote Parny. La Guerre des dieux est une arlequinade qui veut faire rire. Leconte de Lisle, qui a flétri Béranger comme a fait Renan, devait certes avoir horreur de cette sotte grivoiserie d’un siècle décadent. Sans doute encore quelques-uns des « mots » de l’Histoire du Christianisme font penser à Voltaire, mais ce n’est plus ce « hideux sourire » de petit abbé laïcisé, c’est un rire mordant, dont l’àpreté huguenote se tempère de quelque tolérance paganiste.

Même lorsque la satire s’allège, le ton est grave, ce qui justement distingue cette œuvre anticatholique des pasquinades libertines du XVIIIe siècle.