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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/403

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haute et grave, un superficiel aurait pu lui donner une fois de plus le nom d’impassible, dont la critique l’accabla si souvent et qui l’irritait si fort. En réalité son trouble — bien que dompté et contenu — était extrême. Était-ce timidité naturelle comme j’en ai eu le soupçon ? Était-ce émotion sacrée de l’artiste ? Je ne sais. Mais l’homme alors se transformait et se révêtait d’une singulière majesté. La voix, un peu sourde et presque tremblante, prenait l’auditeur aux entrailles. Sur cette face marmoréenne, soudain mortifiée, on sentait courir un frisson. Les yeux, surtout, devenaient effrayants. Ils se creusaient, et sous les paupières palpitantes, les prunelles montaient, comme dans l’extase[1]. »

Il aimait les jeunes. « La maison de Leconte de Lisle était un vrai repaire de jeunes… Nous le vénérions[2]. » « Il aimait les jeunes gens. Il mettait de la souveraine bonté à les accueillir, à les attirer. Bienveillance sans banalité, car il triait soigneusement ceux qu’il jugeait dignes de son amitié — et de sa discipline[3]. Je lui ai de grandes obligations. Il m’a donné deux ou trois avis, je dirais deux ou trois recettes d’art, car il avait une sorte d’atelier où son exemple et sa conversation (pleine de partis pris) proposait une discipline… Je garde un grand respect pour ce maître de ma jeunesse. Il était de la grande espèce. Je lui ai apporté mon témoignage quand sa statue fut inaugurée. J’étais fier de prendre la parole avec un grand sentiment d’humilité,

  1. François Coppée.
  2. Quillard : Journal, juillet 1894.
  3. M. Barrès : Journal, juillet 1894.