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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/406

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Les dernières années se reposèrent en la paix des longues méditations qui préparent à la Mort, vagues et harmonieuses comme des musiques initiatrices au Sommeil Pathétique.

En la maison, le silence dont s’enveloppent les grandes consciences. Dans l’âme, une large paix, nul farouche pessimisme, plus de désespérance. Le caractère si hautain s’était adouci. Était-ce fatigue, comme on l’a trop généralement cru, et dit ? Non ! car il fut lui-même jusqu’à la mort, la vigueur spirituelle pas un instant ne défaillit. Mais bien plutôt attendrissement de la nuit à l’aube, calme éveil de joie à l’espère de l’aurore prochaine, presque une confiance en un avenir qui s’inaugure. Les temps de Beauté revivraient. Tout autour de lui n’était-ce pas comme un réveil universel au sentiment du Beau, une renaissance de poésie, d’art pur et noble ? Depuis plusieurs années des jeunes gens toujours plus nombreux venaient réciter dans son salon des poèmes toujours plus beaux : Leconte de Lisle les écoutait attentivement, religieusement, sans pose de maître, sans attitude hugolienne. « Ce sont de beaux vers, de très beaux vers», disait-il lentement. Et toutes les semaines, c’étaient de très beaux vers. Un jour pouvait venir où tout le monde ferait de très beaux vers : ne fut-ce point plutôt une pensée pareille qui adoucit ces dernières années ? Beauté ! qui n’es que le rayonnement de la Liberté !