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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/405

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chaque individualité poétique telle qu’elle était, et lui donnait les conseils qui devaient lui permettre de se dégager pleinement : c’est ainsi que non seulement la poésie héroïque d’Heredia, mais la poésie personnelle ou philosophique de S. Prudhomme, la poésie familière de Coppée et même la poésie trouble de Verlaine durent beaucoup à ses lucides indications. Il mettait surtout les jeunes poètes en garde contre le relâchement, la banalité, la facilité dangereuse ; ils les obligeait à reconnaître les fautes qu’ils commettaient contre leur propre tendance et armait leur conscience artistique contre leur paresse ; il les exhortait à ne se contenter que très difficilement de leurs œuvres et à ne les regarder comme terminées que quand ils ne pouvaient plus les améliorer. Acceptant leur façon de penser et de sentir, il dirigeait surtout leur attention sur la logique de la composition et la propriété rigoureuse de l’expression. Quant à l’originalité et à la beauté, il n’était pas en son pouvoir de les impartir à ceux qui ne les avaient pas[1]. »

En dehors même de la poésie, son enseignement a pu être à la fois fécond pour un individualiste aristocrate et césarien de la valeur prépondérante de M. Maurice Barrès et pour maints esprits souples à enrichir de beauté primitive leur idéal démocratique et leur passion d’un bonheur nuancé et égalitaire.

  1. Gaston Pâris : Sully-Pradhomme. Revue de Paris, 1er janvier 1896.