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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/416

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supposant qu’on en puisse trouver d’autres, il restera, à coup sûr, la plus étonnante et la plus vigoureuse. Si des descriptions trop bien faites, trop enivrantes pour n’avoir pas été moulées sur des souvenirs d’enfance, ne révélaient pas de temps en temps à l’œil du critique l’origine du poète, il serait impossible de découvrir qu’il a reçu le jour dans une de ces îles volcaniques et parfumées où l’âme humaine, mollement bercée par toutes les voluptés de l’atmosphère, désapprend chaque jour l’exercice de la pensée.


S’il est juste de s’émerveiller du penchant de Leconte de Lisle pour la poésie philosophique, de sa passion des grands problèmes métaphysiques, de sa puissance de conception, on doit reconnaître qu’il tient cependant du créole, tel que le concevait Baudelaire, une certaine sentimentalité amoureuse, une sorte de langueur musicale, un goût de sieste pour la pensée et les sens. Le choix du détail dans la description et de certains détails de naïveté particulière, l’admiration pour le côté objectif de la vie, pour le décor naturel, cette sensuahté spéciale qu’on peut appeler la furie de l’œil, voilà encore qui atteste l’origine créole. Nous ne parlons pas de cette sobriété de vie qui peut au besoin expliquer la sobriété de son art, ni de cette ironie pittoresque qu’on lui connut si mordante. Et on peut même dire ici, sans aucune exagération, qu’il faut attribuer à son origine créole ce qui fait l’originalité profonde de son inspiration : la foi dans le néant des agitations de la vie, le culte de la nature première et éternellement pure. Quel autre sens donner, en vérité, à l’Orbe Rouge, au Frais matin do-