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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/433

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rêves ambitieux et crédules. Il reproche à la Nature de n’avoir point alors absorbé son « âme en fleur » dans sa « paix immortelle » : son corps aurait erré à l’aventure, confondu dans la foule banale ; mais son âme aurait connu la sainte volupté de l’ascète qui vit de la seule contemplation du monde. Il maudit la force des passions qui ravit l’homme à la Nature. Lui-même, s’il n’avait écouté la voix « fatale » du désir, aurait-il quitté son pays ? Or, qu’était ce pays, sinon la Nature même splendide et indifférente ? Sinon la mort, ce qu’il regrette ici c’est que toute sa vie n’ait pu s’écouler à l’abri des passions, dans la magnificence, la beauté pure, la suavité naïve de cette nature dont il ne devait garder qu’un souvenir « enchanté ». La Ravine Saint-Gilles est la description pittoresque, détaillée, de Tétincelante campagne saint-pauloise au milieu de laquelle s’ouvre un gouffre de silence et d’ombre : pareil à ce gouffre, au milieu de l’animation incessante de la vie, doit être le cœur du poète. La grâce blonde et irisée d’un matin de dimanche créole, l’harmonie de la nature et la saveur des mœurs saint-pauloises, voilà avec la belle créole dont il resta à jamais impressionné ce qui revit de Bourbon dans le Manchy, L’Orbe d’or célèbre avec gravité l’enseignement d’universelle vanité, la leçon d’anéantissement que donnent les couchers du soleil dans l’immensité de l’Océan Indien et sur Tinfime parcelle de terre qu’est l’île. Fraîcheur matinale de cette île où la femme qu’il aime lui apparut la première femme, splendeur ample et intime de cette terre qu’il revoit du som-