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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/432

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Peu à peu, dans l’œuvre comme dans l’âme, s’imprécise le souvenir de l’île natale : à peine luit-il dans le Colibri, qui est une sorte de madrigal de nature, puis il s’éteint. Dans l’agitation violente d’un présent de lutte et de peines, le passé ne faisait plus ses douces apparitions, effarouché, aussi lointain que l’île même qui le symbolisait.

Après cette crise, le cœur oublieux fut repris par le charme, l’équilibre se rétablit dans un partage entre le passé et l’avenir. Leconte de Lisle offre le spectacle d’une âme balancée rythmiquement entre ces deux infinis, rattachée encore à la vie quand elle consulte son passé ou s’y complaît, éloignée de l’action et lablaspliémant quand elle sonde le silence de l’avenir mystérieux. La sérénité pour lui s’obtenait d’un tel partage égal de l’âme. Et dans cette sérénité les souvenirs de son enfance, les visions de son pays fleurissent en pureté comme le lotus aux eaux recueillies. Or, comme la sérénité est l’attribut de la maturité et de la vieillesse, c’est naturellement vers le milieu et la fin de sa vie que se sont multipliées les pièces consacrées au pays et àsajeunesse.

Le Bernica (1862), hymne à la beauté et à la pureté, description panthéistique du site saint-paulois le plus célébré des poètes, révèle une émotion plus contenue, l’harmonie d’une sérénité plus stable : ni regrets, ni extases, la quiète domination du souvenir.

De 1862 à 1872 : les Taureaux sont un simple tableau de bœufs paissant au bord de l’Océan Indien ; Ultra Cœlos, l’évocation somptueuse du décor devant lequel son enfance s’éperdait en des