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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/439

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une chaise de rotin leur grand chapeau de paille de dattier et leur blague de peau de pingouin ; esclaves marrons rôdant dans les forêts aromatiques et donnant la chasse — « la vieille chasse créole » — aux cabris marrons. La terre « créole » lui plut : le pays de colonisation où le XVIIIe siècle français unissait quelques-unes des mœurs européennes à des mœurs asiatiques, la case couverte de bardeaux roux, aux varangues entourées de stores de manille, au fond des vergers d’arbres fruitiers et de vanille, les fumeries et les siestes inspirées par le café des colons qui rêvent à la France, les sucreries où travaillent à la file les Hindous exilés et nostalgiques de l’Inde, les troupeaux que, dans l’herbage salé du littoral, conduisent les Sakalaves en fredonnant une mélopée malgache, les collines murmurantes de cannes et les savanes de maïs. l’aire où sèche le café mûr et diapré, les chants des nègres et les chants d’oiseaux rares, la musique des Cafres et le vent de mer tournoyant sur la brise de terre, le parfum du giroflier, l’effluve des sucreries, l’odeur des tamarins, les coraux des récifs et les arabesques des courants marins, les couleurs des fruits et le teint des vierges, les bizarreries japonaises du terrain, la neige des cascades dans la brume des ravines, le bouquet d’une flore composite, le chœur d’une faune vive. Il fut le peintre exact aussi bien de la vie large et générale du pays que de sa vie intime et de détail. Il accueillit le concert des grandes voix naturelles qui s’entendent partout et songea aussi à y distinguer les différentes mélodies locales qui s’y symphonisaient subtilement.