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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/447

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façon du premier homme, et la jeune fille qui lui apparaît lui parut la première femme :


Telle, au Jardin céleste, à l’aurore première,
La jeune Ève, sous les divins gérofliers,
Toute pareille encore aux anges familiers,
De ses yeux innocents répandait la lumière.


Sa jeunesse y est « l’aube d’un jour divin » ; elle est « sacrée » ; il se grise a de la florissante vigueur » de ses « belles années ». Personnellement il sera toujours reconnaissante son pays de cette jouvence qu’il lui fut donné d’y goûter : il chante en même temps son île et sa jeunesse et tous les héros de ses poèmes (Khiron, Tiphaine, Glaucé, Adam, Kaïn) cèdent à de touchantes évocations de leur adolescence. Jeunesse signifie bonté et beauté de la vie, parce que joie, allégresse de vivre au milieu d’une nature saine et harmonieuse ; vieillesse signifie décrépitude et laideur, parce que qu’à évoquer exil de celui à qui il ne reste plus, comme à Adam, le « paradis perdu » :


Ô Jardin d’Iahveh, Éden, lieu de délices !
Où sur l’herbe divine Ève aimait à s’asseoir ;
Toi qui jetais vers elle, ô vivant encensoir,
L’arôme vierge et frais de tes mille calices,
Quand le soleil nageait dans la splendeur du soir !


Jaloux de « se synthétiser », il portait en lui l’âme de l’humanité, car il s’estimait être né, comme l’humanité, dans un paradis, au milieu d’un jardin de délices innocentes et vierges[1]. Il ne put

  1. M. Spronck note avec trop de mélodramatisme l’influence des cyclones sur le génie du poète. Il n’est pas moins choquant de lire : « Sa jeunesse est hantée par cet exotisme académique d’où étaient