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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/459

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y être autrefois ». Elle ne peut rester semblable au chameau altéré que, sur un soir de marche, on amène au torrent à sec. « Bois, chameau, ce fut un torrent… Si tu veux une mer, tout près est la mer Morte, la pâture de ses bords, le sel et le caillou.

Revenant des ombrages immenses de l’Inde et du Ramayana, revenant de l’Arbre de vie, où l’Avesta, le Shah Nameh, me donnaient quatre fleuves, les eaux du Paradis, — ici, j’avoue, j’ai soif. J’apprécie le désert, j’apprécie Nazareth, les petits lacs de Galilée. Mais, franchement, j’ai soif… Je les boirais d’un coup. Laissez plutôt, laissez que l’humanité libre en sa grandeur aille partout. Qu’elle boive, où burent ses premiers pères. Avec ses énormes travaux, sa tâche étendue en tous sens, ses besoins de Titan, il lui faut beaucoup d’air, beaucoup d’eau et beaucoup de ciel, — non, le ciel tout entier ! — l’espace et la lumière, l’infini d’horizons, — la Terre pour Terre promise, et le monde pour Jérusalem.


Leconte de Lisle avait depuis plus de dix ans le premier spontanément réalisé une œuvre à laquelle pouvait se satisfaire la généreuse curiosité du XIXe siècle, avide de prendre une conscience intégrale de l’humanité. Il n’est point tant, comme on l’a dit[1], un génie hindou que, bien plus largement, un génie aryen, esthétique, conquérant, humain et transcendant : c’est qu’il naquit Français dans une île indienne, synthétisant en soi, par les effets combinés de l’hérédité et du milieu, les éléments propres des deux plus nobles races indo-européennes.


Exemple admirable pour la France et par son

  1. M. Spronck.