Aller au contenu

Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
45
L’ENFANCE DANS L’ÎLE

hommes de mauvaise mine qu’on appelle des poètes !

*

L’ami auquel, avec juste mais charmante modestie[1], le jeune homme dédie ses premiers essais, semble avoir été le compagnon le plus cher de son enfance. Il ne lui était pas seulement attaché par une de ces liaisons que fait naître le contact journalier : Leconte de Lisle aimait en Adamolle, dont le père, riche planteur, habitait comme le sien les « hauts » de Saint-Paul, une « âme sœur » capable de répondre avec une sincérité savoureuse à des témoignages d’affection naïve, un esprit où passent des idées dignes d’éveiller la curiosité, une intelligence susceptible de discuter de questions élevées. Toute adolescence, en même temps qu’elle se plaît à se griser de la fermentation des idées, éprouve un besoin d’affection : le cœur se communique, se donne avec l’esprit. Le jeune créole était spontanément porté à l’amitié. Il avait le cœur riche, et, d’autre part, la mollesse ou l’inhumanité des jeunes filles le tenaient en réserve. Ce qui le prenait fortement en l’amitié virile, où en outre on garde la possession de soi-même, c’est l’unité qui s’y compose de la ferveur aux discussions d’idées et de la tendresse jalouse du cœur, unité chère au

  1. Ils étaient accompagnés de l’envoi suivant :

    Premiers accents que mon âme soupire,
    Ces faibles vers implorent ta bonté,
    La poésie daigne me sourire,
    Souris comme elle en faveur d’amitié.