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Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/141

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LE LÉVRIER DE MAGNUS.


Arabes du Hedjaz aux longs yeux de gazelles,
Juives aux cheveux noirs, Persanes aux seins bruns,
Et négresses d’Égypte aux ardentes prunelles.

Les Chefs Croisés sont tous ou partis ou défunts ;
Le grand Salah-Ed-din est couché, roide et grave,
Dans sa tombe royale, au milieu des parfums.

Donc, Magnus n’a plus rien qu’il craigne, ou qu’il ne brave ;
Ce qu’il condamne meurt, ce qu’il veut est à lui :
L’éruption de ses désirs n’a plus d’entrave.

L’œil du Diable évoqué dans l’ombre n’a pas lui ;
Il n’a point fait de pacte et dévoué son âme
Pour l’empire et pour l’or qu’il possède aujourd’hui.

Quand la lointaine mort viendra trancher la trame
Des instants orgueilleux de sa félicité,
Il ne redoute pas que Satan le réclame.

N’a-t-il pas, en lieu sûr, pour le cas précité,
Son lourd butin, la part du lion, qu’il amasse
Pour être la rançon de son éternité ?

Aussi bien, le Malin, qui ricane et grimace,
N’émousse, certes, ni n’allège, jusqu’ici,
Le fil de son épée ou le poids de sa masse.

Jésus, s’il règne aux cieux, ne prend guère en merci
Ses ouailles qu’il livre à qui les tond et mange ;
Donc, pourquoi lui, Magnus, en prendrait-il souci ?