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Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/143

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LE LÉVRIER DE MAGNUS.


Amen ! Car un démon rôde autour du saint lieu.
N’ayant aucun souci de la Vierge ou des Anges,
Il aiguise son fer, il attise son feu.

Donc, cent Nonnes, chantant les pieuses louanges,
Vivent là, sous la règle austère du Carmel,
Aussi pures que les nouveau-nés dans leurs langes.

Loin de l’orage humain, loin du monde charnel,
Coulant leurs chastes jours dont le terme est si proche,
Elles ont l’avant-goût du repos éternel.

Plus jeune que ses sœurs, comme elles sans reproche,
L’Abbesse Alix commande au Saint-Carmel, étant
Du sang de Bohémond, le prince d’Antioche.

Hier, elle a délaissé, pour le Ciel qui l’attend,
Palais, richesse, orgueil de sa haute lignée,
Et, très belle, l’amour, mensonge d’un instant.

L’aube du Jour sans fin dont son âme est baignée
Nimbe son front tranquille, et ses pieds radieux
Semblent avoir quitté notre ombre dédaignée.

Mais le courage et la fierté de ses aïeux
Couvent au fond du cœur de la Recluse austère ;
Ils luisent par instants dans la paix de ses yeux.

Ainsi, bien au-dessus des vains bruits de la terre,
Dans l’adoration, la prière et l’espoir,
S’élève sur le roc le moutier solitaire.