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Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/146

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POÈMES TRAGIQUES.


Te voilà désormais indigne de l’autel,
Innocente et pourtant maculée, ô victime,
Fille des Preux, gardiens du Sépulcre immortel !

Mais ton cœur s’est gonflé de leur sang magnanime ;
Tu te dresses, Alix, dans l’antre où le bandit,
Où le sombre Apostat a consommé son crime.

Il te contemple, admire et se tait, interdit
Devant l’ardent éclair qui sort de ta prunelle ;
Ton geste le soufflette et ta bouche lui dit :

— Ô malheureux, promis à la flamme éternelle,
Qu’as-tu fait ! J’étais vierge, et sans tache, et l’Amour
Divin, avant la mort, m’emportait sur son aile.

Et voici que le Ciel m’est ravi sans retour !
La honte imméritée a vaincu la foi vaine :
Le jour de ton forfait sera mon dernier jour.

Sois voué, misérable, à l’angoisse, à la haine,
À la luxure, à la soif de l’or et du sang,
À la peur, avant-goût de l’ardente Géhenne !

Va ! Traîne de longs jours encor. Vis, amassant
Crime sur crime, en proie aux soudaines alarmes
Des nuits, épouvanté, furieux, impuissant !

Souviens-toi que la plus amère de mes larmes
Comme un funèbre anneau s’est rivée à ton doigt.
Rien ne le brisera, ta force ni tes armes.