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Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/147

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LE LÉVRIER DE MAGNUS.


Mais, à l’heure où chacun doit payer ce qu’il doit,
Tu sentiras couler l’Opale vengeresse,
Et mon spectre à Satan t’emportera tout droit.

Moi, j’ai vécu. La mort devant mes yeux se dresse.
Que tout mon sang te marque à la face, assassin !
Et que Dieu, s’il se peut, pardonne à ma détresse ! —

Alix, alors, avant qu’il rompe son dessein,
Saisissant une dague aux parois arrachée,
Se l’enfonce d’un coup rapide dans le sein.

Telle tu la revois, immobile et couchée
Sur la peau de lion de ta tente, ô Vieillard !
Ce sang, ce sang ! ton âme en est toujours tachée.

C’est en vain que le temps, de son épais brouillard,
Voile de tes forfaits l’infamie et le nombre :
Alix, sanglante et morte, habite ton regard !

Et, par surcroît, dès l’heure inexpiable et sombre
Où, se frappant soi-même, elle a perdu le Ciel,
Quatre autres visions accompagnent ton ombre.

Nuit et jour, accroupi, silencieux, et tel
Que le voilà, le noir Lévrier te regarde.
Rien ne t’a délivré de ce Chien immortel !

Que de fois ton poignard, plongé jusqu’à la garde,
Vainement a troué cette insensible chair,
Vapeur mystérieuse et commise à ta garde !