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Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/16

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POÈMES TRAGIQUES.


Tout s’éveille, l’air frais vibre de chants et d’ailes,
L’étalon syrien se cabre en hennissant,
Et du haut des toits plats les cigognes fidèles
Regardent le soleil jaillir d’un bond puissant.

Au-dessus des mûriers et des verts sycomores,
Au rebord dentelé des minarets, voilà
Les Mouadzyn criant en syllabes sonores :
À la prière ! à la prière ! Allah ! Allah !

Âniers et chameliers amènent par les rues
Onagres et chameaux chargés de fardeaux lourds ;
Les appels, les rumeurs confusément accrues
Circulent à travers bazars et carrefours.

Juifs avec l’écritoire aux reins et les balances,
Marchands d’ambre, de fruits, d’étoffes et de fleurs,
Cavaliers du désert armés de hautes lances
Qui courent çà et là parmi les chiens hurleurs ;

Batteurs de tambourins, joueurs de flûtes aigres,
Émyrs et mendiants, et captifs étrangers,
Et femmes en litière aux épaules des nègres,
Dardant leurs yeux aigus sous leurs voiles légers.

La multitude va, vient, s’agite et se mêle
Par flots bariolés entre les longs murs blancs,
Comme une mer mouvante et murmurant comme elle,
Tandis que le jour monte aux cieux étincelants.