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Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/17

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L’APOTHÉOSE DE MOUÇA-AL-KÉBYR.


Et la chaude lumière inonde la nuée,
La cendre du soleil nage dans l’air épais ;
L’oiseau dort sous la feuille à peine remuée,
Et toute rumeur cesse, et midi brûle en paix.

C’est l’heure où le Khalyfe, avant la molle sieste,
Au sortir du harem embaumé de jasmin,
Entend et juge, tue ou pardonne d’un geste,
Ayant l’honneur, la vie et la mort dans sa main.

Voici. Le Dyouân s’ouvre. De place en place,
Chaque verset du Livre, aux parois incrusté,
En lettres de cristal et d’argent s’entrelace
Du sol jusqu’à la voûte et sans fin répété.

Sous le manteau de laine et la cotte de mailles
Et le cimier d’où sort le fer d’épieu carré,
Les Émyrs d’Orient dressent leurs hautes tailles
Autour de Soulymân, l’Ommyade sacré.

Les Imâms de la Mekke, immobiles et graves,
Sont là, l’écharpe verte enroulée au front ras,
Et les chefs de tribus chasseresses d’esclaves
Dont le soleil d’Égypte a corrodé les bras.

Au fond, vêtus d’acier, debout contre les portes,
De noirs Éthiopiens semblent, silencieux,
Des spectres de guerriers dont les âmes sont mortes,
Sauf qu’un éclair rapide illumine leurs yeux.