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Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/179

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LE ROMANCE DE DONA BLANCA.


Voici. Prenez mon seing, bouclez vos éperons,
Et courez au château de Xerez où demeure
Doña Blanca. Je veux qu’en secret elle meure.
Je vous remercierai quand nous nous reverrons. —

Mais le bon chevalier Juan Fernandez ne bouge :
— Sire Roi, mon épée est vôtre, non l’honneur.
Je ne suis meurtrier, ni vil empoisonneur ;
Ma lignée est trop haute et mon sang est trop rouge.

Employez à cela quelque autre, s’il en est
Qui le veuille. D’ailleurs, Sire, prenez ma vie.
— Saint Jacques ! dit le Roi, je n’en ai nulle envie.
La touche est sûre, et l’or vierge s’y reconnaît.

Allez ! Je suis content de votre prud’homie.
Je riais. Pensez-vous que je sois si méchant
De vous faire tuer cette femme, sachant
Ce que vous êtes ? Non. Surtout n’en parlez mie.

— Sire, j’ai bouche close et vous baise les mains.
— C’est bien. — Hinestrosa gravement le salue,
Et s’en va. Néanmoins, la chose est résolue.
Ceux que hait Don Pedro n’ont point de lendemains.

Il appelle un massier de la garde, qu’on nomme,
Étant Aragonais, Rebolledo Perez :
— Va-t’en tuer la Reine au donjon de Xerez.
Ortiz, le châtelain du lieu, n’est pas mon homme.