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Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/180

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POÈMES TRAGIQUES.


Voici l’ordre. Tu prends sa place. Agis, sois prompt.
Tu diras qu’elle était malade, et qu’elle est morte.
Sinon, je te fais mettre en quatre, à chaque porte
De la ville, où corbeaux et chiens te mangeront.

Écoute. D’une part, or, fief, chevalerie
Et ma faveur ; de l’autre, une hache, un billot,
Et la mise en quartiers. Choisis. Quel est ton lot ?
Songe pourtant qu’il faut celer cette tuerie.

Ni lutte, ni cris. Point de vestige sanglant
Qui puisse après la mort apparaître sur elle.
Qu’elle semble finir de façon naturelle,
En proie à quelque mal sans remède et très lent !

As-tu compris ? Réponds. — Ce m’est un jour de fête,
Sire ! J’obéirai, dit le rude massier. —
Certe, à voir ce poil fauve et cet œil carnassier,
Le Roi ne doute pas que ce soit chose faite.

Pendant que le Perez chevauche allègrement
Vers son crime, au grand trot du genet qu’il active,
De châteaux en donjons depuis dix ans captive,
La jeune Reine pleure et plaint son long tourment.

Ortiz, qui la gardait, noble de race et d’âme,
L’a quittée. Un grand mal lentement la détruit,
Dit-on. Perez, un soir, dans son retrait, sans bruit,
Entre : — Le Roi le veut, il faut mourir, Madame.