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Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/192

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POÈMES TRAGIQUES.

III

Les Précédents, KLYTAIMNESTRA


KLYTAIMNESTRA.Elle entre, suivie de ses femmes.
— Elle fait un geste. Le Veilleur sort.

Il a dit vrai. Vieillards, la joie est dans mon cœur.
Comme un torrent d’hiver qui déborde les plaines,
Les Dieux ont déchaîné la fureur des Hellènes.
La lance au poing, la haine aux yeux, l’injure aux dents,
Sur les temples massifs, sur les palais ardents
Que l’incendie avec mille langues hérisse,
J’entends tourbillonner Pallas dévastatrice,
Et la foule mugir et choir par grands monceaux,
Et les mères hurler d’horreur, quand les berceaux,
Du haut des toits fumants écrasés sur les pierres,
Trempent d’un sang plus frais les sandales guerrières.
Ah ! La victoire est douce, et la vengeance aussi !
Rendez grâces aux Dieux, vieillards, de tout ceci.
Que de fois ils m’ont prise au filet des vains rêves !
Mais il faut bien payer nos prospérités brèves,
Et c’est peu que dix ans d’attente et de désir,
Quand le prix en est proche, et qu’on va le saisir.
Oui ! Le Maître, l’Époux, le Roi des nefs solides,
Revient au noir palais des héros Tantalides,
Et, comme il sied sans doute, il m’y rencontrera !