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Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/22

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POÈMES TRAGIQUES.


Gloire au Très-Haut ! Lui seul est éternel. Le monde
Est périssable et vole au suprême moment ;
Mais Lui, roulant les cieux dans sa droite profonde,
Enflera le clairon du dernier Jugement.

Les cœurs seront à nu devant son œil sublime,
Et sur le pont Syrath, plus tranchant qu’un rasoir,
Le Juste passera sans tomber dans l’abîme,
Tel qu’un éclair qui fend l’ombre épaisse du soir.

De musc et de benjoin et de nard parfumées,
Ses blessures luiront mieux que l’aurore au ciel.
Allah fera jaillir pour ses lèvres charmées
Quatre fleuves de lait, de vin pur et de miel.

Les Vierges, au front ceint de roses éternelles,
Dont les yeux sont plus clairs que nos soleils d’été
Et si doux, qu’un regard tombé de leurs prunelles
Enivrerait Yblis soumis et racheté ;

Les célestes Hûris, que rien d’impur ne fane,
Blanches comme le lys, pures comme l’encens,
Entre leurs bras légers, sur leur sein diaphane,
Multiplieront l’ardeur sans déclin de ses sens.

Puis, par delà les jours, les siècles et l’espace,
Dans le bonheur sans fin au Croyant réservé,
Il verra le Très-Haut, l’Unique, face à face,
Et saura ce que nul n’a conçu, ni rêvé !