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Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/23

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L’APOTHÉOSE DE MOUÇA-AL-KÉBYR.


Mais, pour le vil chacal qui vient mordre et déchire
Le vieux lion sanglant au bord de son tombeau,
Le souille de sa bave, et, devant qu’il expire,
Le dévore dans l’ombre et lambeau par lambeau ;

Pour le lâche, qu’il soit Émyr, Hadjeb, Khalyfe,
Qui blêmit de la gloire éclatante d’autrui,
Yblis le Lapidé le prendra dans sa griffe
Et crachera d’horreur et de dégoût sur lui.

Qu’ai-je à dire, sinon rien ? Car ma tâche est faite.
J’ai vécu de longs jours et je meurs, c’est la loi.
Mon sang, ma vie, Allah, les Anges, le Prophète,
Plus haut que le tonnerre ont répondu pour moi. —

— Traître ! N’atteste pas le saint Nom que tu souilles,
Dit Soulymân. Réponds, confesse ton forfait.
Les vingt couronnes d’or des Goths et les dépouilles
Des royales cités, voleur ! qu’en as-tu fait ?

Plus d’insolent silence ou de ruse subtile !
Les Émyrs d’Occident t’accusent de concert.
Rends ces trésors pour prix de ta vie inutile
Et va cacher ta honte aux sables du désert. —

— Fais plutôt rendre gorge à ce troupeau d’esclaves
Qu’engraisse la rançon des peuples et des rois,
Dit Mouça. J’ai parlé. Les sages et les braves,
Ô Khalyfe ! apprends-le, ne parlent pas deux fois. —