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Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/224

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POÈMES TRAGIQUES.

Feuillages qui m’avez abrité de vos ombres,
Terre de la patrie, ô sol trois fois sacré,
Parlez tous ! Soyez tous témoins que je dis vrai,
Qu’Orestès est vivant, et que je suis cet homme !


ÉLEKTRA.

Oui, c’est toi, douce tête ! Oui, tout mon cœur te nomme !
Ô rêve de mes nuits, cher désir de mes jours,
Que je n’attendais plus, que j’espérais toujours !
Oui, je te reconnais, ô mon unique envie !
Mon âme en te voyant se reprend à la vie,
Ami longtemps pleuré ! Tu dis vrai, je te crois :
Tous mes maux sont finis. Tu seras à la fois
Mon père qui n’est plus, ma sœur des Dieux trahie,
Et cette mère, hélas ! de qui je suis haïe.
Viens, et, me consolant de tous ceux que j’aimais,
Ô mon frère, sois-moi fidèle pour jamais !


ORESTÈS.

Rien ne brisera plus cet amour qui nous lie :
Que l’Hadès m’engloutisse avant que je t’oublie !


ÉLEKTRA.

Mais du fond de l’exil, ami, dis-moi, quel Dieu,
Quel oracle te pousse en ce sinistre lieu ?
Le sais-tu ? C’est ici qu’un homme lâche et sombre
Se repaît de nos pleurs et de nos biens sans nombre,
De l’épouse perfide et d’un peuple opprimé !