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Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/179

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— Écarte loin de moi ce calice terrible,
Toi qui donnas la vie au néant insensible,
Et qui peux, sans blesser l’immuable équité,
Faire rentrer ton œuvre en ton éternité !
Mais que ta volonté soit faite, et non la mienne.
Et vous, les premiers-nés de la famille humaine,
Et vous que Dieu réserve aux jours de l’avenir,
Soyez bénis, ô vous pour qui je vais mourir ! —

Et comme il exhalait ses plaintes immortelles,
Les saints Anges, muets, se voilaient de leurs ailes ;
Au travers des rameaux agités pesamment,
Le vent des nuits passa comme un gémissement ;
Et l’on vit, déjà loin des murs noirs de la ville,
Luire et ramper dans l’ombre, au pied du mont stérile,
Comme un éclair livide au bord de l’horizon,
La torche de la haine et de la trahison !



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