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Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/180

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PREMIÈRE STATION


Jésus est condamné.



La terre a salué le Jour expiatoire,
Et le peuple en rumeur gronde autour du prétoire,
Et le Juge contemple avec un sombre ennui,
Le Rédempteur debout et muet devant lui.
Comme un bandeau royal, le noir réseau d’épines
S’enfonce amèrement dans ses tempes divines ;
Les immondes liens, le fouet aux nœuds de fer,
De leur empreinte affreuse ont sillonné sa chair ;
La pourpre le revêt, et de sa face pâle
Quelques gouttes de sang tombent par intervalle.
Mais son regard est calme ; il entend sans terreur
Rugir et s’enivrer de sa propre fureur,
Ce peuple qu’il aima d’une amour infinie,
Et qui lui rend la mort avec l’ignominie !

Oh ! quand hier encore, innombrable et joyeux,
Tu le suivais au bord des lacs mystérieux,
Et que, te nourrissant du miel des paraboles,
Tu gardais dans ton cœur ses divines paroles,