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Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/196

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Comme une mère auprès d’un fils qui va mourir,
Et qui pleure, et l’embrasse et veut le secourir,
Aux pieds du Rédempteur tu tombes, hors d’haleine ;
Et, le baignant des pleurs dont ta poitrine est pleine,
Ne pouvant le ravir à son trépas divin,
Tu sèches son visage à ton voile de lin !

Ô femme, qui parmi ce peuple ingrat et traître,
Osas seule essuyer le front du divin Maître,
Et qui, mieux que du fer dont se vêt le guerrier,
T’abritais de ton cœur comme d’un bouclier ;
Bérénice autrefois, mais aux cieux Véronique !
Béni soit le transport de ton âme héroïque,
Quand, montrant ce que peut la céleste pitié,
Des douleurs de ton Dieu tu prenais la moitié !
De ton voile aux longs plis, avec ta main tremblante
Tu venais d’étancher sa figure sanglante,
Et ses bras tout meurtris et ses pieds douloureux,
En répandant des pleurs de tendresse sur eux ;
Dès lors, le Rédempteur, bénissant ton courage,
À ce voile pieux attacha son image ;
Car tu faisais sans peur pour ton Maître épuisé
Ce que nul, entre tous, n’avait encore osé ;
Car l’élan de ton cœur fit taire tes alarmes
Et jaillir de tes yeux de généreuses larmes,
Et te précipita sous les pieds des chevaux.
Sans souci d’irriter un peuple de bourreaux !

Elle brûlait en toi, cette flamme sacrée .
Qui remonte plus vive à Celui qui la crée !