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Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/300

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lumière, quand j’admirai cette richesse d’images si neuves et si hardies, ce mouvement lyrique irrésistible, cette langue précise et sonore. Ce fut comme une immense et brusque clarté illuminant la mer, les montagnes, les bois, la nature de mon pays dont, jusqu’alors, je n’avais entrevu la beauté et le charme étrange que dans les sensations confuses et inconscientes de l’enfance.

Cependant, Messieurs, l’impression produite sur l’imagination vierge d’un jeune sauvage vivant au milieu des splendeurs de la poésie naturelle ne pouvait être unanimement ressentie à une époque et dans un pays où les vieilles traditions d’une rhétorique épuisée dominaient encore. La préface de Cromwell, ce manifeste célèbre de l’École romantique, avait excité déjà de violentes hostilités que les Orientales ne désarmèrent pas ; car nul poète n’a été plus attaqué, plus insulté, plus nié que Victor Hugo. Il est vrai que ces diatribes et ces négations ne l’ont jamais fait dévier ni reculer d’un pas. C’était un esprit entier et résolu, de ceux, très rares, qui se font une destinée conforme à leur volonté, et que les objections étonnent ou laissent indifférents, impuissantes qu’elles sont à rien enseigner et à rien modifier. Aussi, l’applaudissement qui salua l’apparition des Feuilles d’automne s’explique-t-il, moins par la beauté de l’œuvre que par le caractère intime, familial, élégiaque, d’une poésie aisément accessible au public et à la critique. De leur côté, les Chants du crépuscule, les Voix intérieures, les Rayons et les Ombres furent accueillis tour à tour avec un mélange d’éloges chaleureux décernés, comme d’habitude, aux parties sentimentales de ces beaux livres, et de re-