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Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/68

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Vous épanouirez la rate aux infidèles ;
Que chacun, pour le mieux, doit user de ses dons,
Et qu’il s’agit en fait de garder ses dindons.
Borgia, n’ayez point cet air penaud et blême.
Jean vingt-trois, je l’avoue, est un peu vif ; il aime,
Par coutume et par goût, le massacre et l’argent,
Mais, pour un vieux pirate, il est intelligent.
En somme, songez-y, vertueux Alexandre,
Vos âmes et vos corps sont ombre vaine et cendre.
Et jamais plus le fer, la corde et les poisons
Subtils n’interrompront le cours de vos saisons.
Rassurez-vous, parlez.


ALEXANDRE VI.

                                          Ô délices ! ô gloire !
Ô plats d’or qui luisiez sur les tables d’ivoire !
Marsala, Syracuse, Alicante et Muscat !
Ô soupers bienheureux de mon pontificat,
Coupes, flambeaux, richesse étincelante ! Ô joie !
Ô beaux corps enlacés sur les tapis de soie,
Murmures des baisers pleuvant sur les seins nus,
Rêves du Paradis, qu’êtes-vous devenus ?
Qu’il était doux, couché dans la pourpre Romaine,
De jouir amplement de la bêtise humaine,
De partager le monde après boire, octroyant
Pour deux cents mares d’or fin, l’Occident, l’Orient,
Îles et terre ferme, hommes, femmes, épices,
Aux Rois, mes argentiers, pillant sous mes auspices,
Et de voir, en goûtant le frais des chênes verts,