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Page:Leconte de Lisle - Premières Poésies et Lettres intimes, 1902.djvu/173

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premières poésies

Ô douce enchanteresse, océan d’harmonie,
Soleil dont les reflets ont créé le génie,
Voile flottant au seuil de l’immortalité !
Universel esprit qui, de tes triples ailes,
Laisses tomber sur nous trois flammes immortelles :
                Parfum, mélodie et clarté ?

Es-tu le souvenir des clartés primitives ?
Es-tu l’écho sacré des cantiques d’en haut,
Comme un présent divin arrêté sur nos rives ?
Oh ! quand tu prends les cœurs, ne serais-tu plutôt
La parole de Dieu qui, passant sur sa lèvre,
Allume dans nos seins une ineffable fièvre,
                Le rayon de ses yeux,
Le miel de son amour qui jamais ne s’efface,
Ou le vase immortel où déborde la grâce,
                Comme une mer des cieux ?

Ah ! quel que soit ton nom, rayon, cantique ou rêve
Palpitants à la fois sous ton triple pouvoir,
Nous t’aimons sans retour, intarissable sève,
D’où jaillit notre aurore, où s’envole le soir !…
Car, tu fis de tendresse et de mélancolie
L’être mélodieux, l’oiseau de l’Italie,
Qui prit nom Rossini pour charmer son bleu ciel,
Ton parfum fit Pétrarque et Tasse de Sorrente,
Et, ravissant là-haut sa flamme plus ardente,
                Ta lumière fit Raphaël !