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Page:Leconte de Lisle - Premières Poésies et Lettres intimes, 1902.djvu/174

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et lettres intimes


Pétrarque, Rossini, Raphaël ! ô poètes,
La terre tressaillit quand l’Harmonie en pleurs
Épancha trois rayons dont pour nous furent faites
Vos âmes qui, depuis, sont trois célestes fleurs…
L’une a la mélodie ineffable et divine,
Ce doux bruit qui, là-bas, puise son origine
Aux lèvres de rubis du séraphin chanteur ;
L’autre, nous effleurant d’une aile cadencée,
D’enivrantes amours parfume la pensée,
Et Sanzio surprend le regard du Seigneur !

Puis ces astres de l’art, ces colonnes du temple,
Rassemblant autour d’eux leur magique clarté,
S’unissent tellement à l’esprit qui contemple
Que nous les confondons dans leur sublimité.
Vieux Michel-Ange, dis, fier et sombre génie,
Mélange de splendeur, d’audace et d’ironie,
                Roi du pinceau de fer,
Entendrais-tu des cieux, comme un brûlant mystère,
Cette âme qui s’envole aux ailes du Tonnerre ?
                Elle a nom Meyer-Beer.

C’est elle qui, roulant des plaintes sépulcrales,
Par un divin prestige, esprit audacieux,
Mêle les cris d’en bas aux notes aurorales,
Le sanglot au parfum et les enfers aux cieux !
Ô Michel, c’est ta sœur, car cette âme sublime
Ainsi que toi mesure et l’éther et l’abîme…