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Page:Leconte de Lisle - Premières Poésies et Lettres intimes, 1902.djvu/199

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premières poésies

Tu maîtrises tes pleurs !…
Lélia, Lélia, l’amour et l’harmonie
Se posaient sur ton front en guirlande infinie
De grâce et de beauté…
Leurs accents se berçaient sur des flots de lumière ;
Oh ! ne savais-tu pas que l’orgueil est poussière
Devant l’éternité ?…
À quoi bon, Lélia, tous ces regrets infimes ?
Ne laisse pas longtemps tes deux ailes sublimes
S’engourdir dans le deuil !
Vers le ciel irrité lève ta forte tête :
Le courage n’est beau qu’au sein de la tempête…
Le génie est l’orgueil !…


III


Oh ! quel que soit ton nom, délirante pensée,
Création étrange, âme vierge et blasée,
Lélia, c’est le soir, c’est le crêpe immortel,
Le sombre et beau linceul dont se couvre le ciel,
Le soir majestueux dont les splendides voiles
Semblent de noirs velours que percent les étoiles !…
Lélia, voici l’heure où le Monteverdor,
De rayons inconnus s’illuminant encor,
Antique et fier géant aux épaules charnues,
À la pose d’airain, dans l’infini des nues,
Dresse ses cheveux blancs et son front dévasté.
Roi des déserts glacés et de l’immensité !