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Page:Leconte de Lisle - Premières Poésies et Lettres intimes, 1902.djvu/200

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et lettres intimes

Ô femme, les vivants dorment… Un grand silence
Par l’air et sur les monts abaisse une aile immense,
Dieu semble de son pied étreindre terre et cieux.
Quelques aigles, parfois, planent, silencieux,
Mais, tournoyant bientôt en spirales pressées,
Disparaissent ainsi que de grandes pensées…

Ô Lélia, tandis qu’aux bras d’un lourd sommeil,
Les hommes sont muets, ton âme prend l’éveil.
Le regard sombre et fier, du pied foulant l’abîme
Qui flamboie en la nuit, par le calme sublime,
Tu marches, forte et belle, et ta pensée en feu
Comme un astre exilé remonte au sein de Dieu !
Cœur éteint et brûlant, mystère, être inouï
Dont le regard d’amour ou d’audace éblouit…
Oh ! quel que soit ton nom, aigle des solitudes,
Ô front prodigieux, chargé d’inquiétudes,
Idole de Sténio, noble cœur de Crenmor,…
Être sublime et beau qui penses, quand tout dort,
Les yeux fixés longtemps dans l’espace indicible
Dont la splendeur saisit d’un élan invincible
Comme un aimant divin ta noble émotion,
Et te laisse plongée en contemplation…
Oh ! quel que soit ton nom, salut, âme infinie,
D’orgueil et de beauté, d’amour et de génie !