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Page:Leconte de Lisle - Premières Poésies et Lettres intimes, 1902.djvu/27

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leconte de lisle

saient que la pudeur et le respect de soi font partie essentielle de l’art et qu’un poète n’est pas un baladin dont l’unique souci serait de s’étaler en scène. C’est ce que Leconte de Lisle formula, en ce qui le concernait personnellement, dans ces vers des Poèmes barbares :

Tel qu’un morne animal, meurtri, plein de poussière,
La chaîne au cou, hurlant au chaud soleil d’été,
Promène qui voudra son cœur ensanglanté
Sur ton pavé cynique, ô plèbe carnassière.

Pour mettre un feu stérile en ton œil hébété,
Pour mendier ton rire ou ta pitié grossière,
Déchire qui voudra la robe de lumière
De la pudeur divine et de la volupté.

Dans mon orgueil muet, dans ma tombe sans gloire,
Dussè-je m’engloutir pour l’éternité noire,
Je ne te vendrai pas mon ivresse ou mon mal.

Je ne livrerai pas ma vie à tes huées,
Je ne danserai pas sur ton tréteau banal
Avec tes histrions et tes prostituées !


Mais est-ce un impassible, je vous le demande, qui a jeté cet anathème ?