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gueil et de vie. Nous étions comme de jeunes animaux tirés hors de l’étable. Nous étions des loups dans un bois et de tendres agneaux qui jouent dans le pré. La folie des matins tourbillonnait en fumées sous nos tempes : peut-être ainsi une humanité ivre, aux premiers avrils du monde, héroïquement aima et versa la sève. Ève sans repos jetait la cognée dans l’arbre rude de ma force ; la vie coulait par de profondes et délicieuses blessures ; je prodiguais la chère souffrance de mourir et de revivre dans le baiser.

La nèfle et la pomme mûrirent. La cenelle, la cornouille, la baie amère de l’églantier rougissaient les lisières. Et la noisette par grappes blondes pendait aux coudriers. Chaque fruit de la terre est un don divin. La forêt avec la pluie et le soleil miraculeusement distille les arômes pour les faims de l’abeille et de l’homme. Mais l’abeille mieux que l’homme sait quelles ambroisies sucrées et quels gâteaux d’or recèlent les moelles et les gommes. Nous rapportions ces cueillettes odorantes ; elles parfumaient nos repas ; nous